Assise dans un petit coin obscur, recroquevillée sur elle-même, le souffle court... malgré tout, elle attend, elle l'attend. Elle l'a vu tout à l'heure, elle sait. Elle a vu et elle a compris. Il l'a vue aussi, il sait qu'elle a compris, il la cherche.
Immobile, elle pense être discrète mais son corps la trahit, secoué de petits mouvements brusques dus à sa respiration saccadée...
Il peut même l'entendre, elle est bête de se cacher, si elle venait vers lui de son plein gré, ils en auraient fini tous les deux beaucoup plus vite. Ces victimes, toujours à vouloir essayer de sauver leur peau, même quand elles savent que tout est fini, et elles finissent par périr de manière plus atroce encore que ce qui les attendait au départ... Pourquoi n'ont elles pas un peu de bon sens, pour une fois dans leur vie ? Elles devraient se rendre, et accepter leur condition. Ce serait plus raisonnable.
Encore mieux.
Il la voit, maintenant. Elle est derrière le lit de la grande chambre, adossée à un miroir, coincée entre le lit, la table de chevet et une armoire. Qui croyait elle pouvoir berner ?
Il va prendre son temps, car c'est elle qui en réclame. Elle veut du temps, un peu plus d'horreur dans ce qu'elle aura vu de sa vie, comme si les JT du soir ne suffisaient pas, elle réclame du temps, elle supplie, elle suppliera...
Elle ne respire plus, elle ne bouge plus, elle sait qu'il est là. Il aime particulièrement ce moment où la victime est prise d'un éclair de conscience, où elle comprend soudain. C'est à ce moment là, et pas avant, jamais avant, qu'il est le maître de la situation. C'est le moment choisi par la victime, celui où elle le désigne comme maître du jeu, maître du temps, de son temps de vie...
Il ne veut plus jouer, c'est du vu et revu, et bien que chaque personne ait une réaction et un comportement différent lors de cette soudaine prise de conscience, il y retrouve toujours les mêmes traits : la peur, le dégoût, la haine, la rage, la colère, l'égoïsme, et le plus surprenant : l'espoir. C'est cette satanée maladie qui les ronge : l'espoir. L'espoir de quoi ? Il n'y a aucun espoir, rends toi, connasse ! Accepte la situation, viens là, qu'on en finisse !
Comme si l'être humain était doté de cette notion d'humanité, comme si tous étaient sensibles à des larmes... il ne s'était jamais attendri devant une victime, jamais, pusse-t-elle avoir cinq ans ou quatre vingt dix, un contrat était un contrat, un pacte avec le diable, un aller simple pour l'enfer. Les raisons, il ne voulait pas les connaître.
Alors il s'approche d'elle, comme s'il avait toujours su qu'elle était cachée là, alors qu'elle pensait être invisible. Il s'agenouille près d'elle, et elle le regarde, les yeux pleins d'espoir. C'est ce qui le pousse à aller jusqu'au bout, à chaque fois.
Il l'attrape par les cheveux; elle pleure, gémit, elle se met à hurler, elle demande pourquoi POURQUOI ? POURQUOI ???? puis, elle passe à la colère, elle le menace, des gens vont savoir, le retrouver. Elle revient sur le test de l'humanité de l'agresseur, elle supplie; Elle ne dira rien, elle n'a rien vu, il peut lui faire confiance, elle pleure, pleure, pleure, ARRÊTE DE CHIALER !!!
Il l'attrape plus fermement par les épaules, la tire jusque dans la salle de bain. Elle se débat, avec moins de conviction qu'avant. Elle commence à devenir une gentille fille. Il rabat l'abattant des chiottes et la fait s'asseoir dessus. Toujours en la tenant par les épaules, il se met à sa hauteur, elle baisse les yeux, elle ne veux pas le regarder.
Il n'en a plus pour très longtemps.
Elle a peur, d'une peur nouvelle, celle qu'ont vécue ceux qui ne sont plus là pour le raconter est ce que ça va me faire mal ?
Il se relève. Il agrippe ses cheveux pour lui faire relever la tête, il veut qu'elle le regarde, lui debout devant elle. Il sort de sa poche un poignard, pas très grand, juste ce qu'il faut, avec la lame aiguisée. Il voit le reflet de son arme dans les yeux de la fille, remplis de larmes silencieuses.
Il ne perd pas de temps. Lui retenant la tête en arrière, il passe lentement la lame au cou, dans le cou, s'enfonçant de quelques millimètres de plus à chaque passage.
Le sang coule, c'est normal, c'est pareil à chaque fois.
Elle a perdu connaissance depuis longtemps, et c'est dans ce coma qu'elle mourra. Elle est agitée des petites convulsions finales, qui la font trembler, sa gorge émet un gargouillement de lavabo bouché, le sang fait des bulles...
Il retient toujours sa tête, par les cheveux, il ne s'est pas sali.
Il attend que tout soit fini, et puis il la lâche. Son corps, toujours assit sur la cuvette des toilettes, s'affaisse, puis elle tombe en un bruit assourdissant.
Il ne la regarde pas, il se dirige vers la porte d'entrée, pour sortir, aussi naturellement que s'il était chez lui.
Dans la rue, de retour à son domicile, une femme lui souhaitera bonne journée, d'une voix mielleuse accompagnée d'un sourire équivoque...